Vainqueurs et perdants

Il faut donc aussi éviter la peur, la colère et la rage, ainsi que l'auto-apitoiement, car ces éléments ne mènent pas à la victoire, mais à la défaite.

Une victoire peut être obtenue sans combat, de sorte qu'il n'y a pas non plus de perdant. Un agresseur ne peut jamais être un vainqueur, car, par son agression, il se nuit à ce point à lui-même, que dans tous les cas, il reste toujours le perdant, parce qu'il est vaincu par sa propre agression, de sorte que l'obtention d'une victoire devient impossible. Un véritable vainqueur surmonte sa peur, sa colère, sa rage, ses méchantes pensées et mauvais sentiments, ainsi que ses émotions et toutes les envies de vengeance et de représailles. Il n'en résulte ni faute ni expiation, car s'il n'y a aucune résistance, il ne peut pas non plus en résulter une agression. En fait, une victoire est remportée sans qu'un combat y soit associé. Et cette manière de remporter la victoire sans perdant est applicable dans chaque circonstance de la vie quotidienne, si on n'en vient

pas à des agressions physiques, auxquelles il faudra éventuellement opposer une résistance tout aussi physique. A cette occasion, alors, il n'y aura, en vérité, que des perdants, aussi, et pas de véritables

vainqueurs, du fait que les dommages corporels, etc. auront été occasionnés des deux côtés. Mais la question n'est pas là, car il s'agit plutôt de la victoire et de la défaite dans la coexistence générale des hommes entre eux, où des luttes doivent malheureusement être engagées, qui n'apportent pas de vainqueurs, mais uniquement des perdants. Que ce soit maintenant dans la famille entre homme et femme, entre les parents et les enfants, entre les frères et soeurs et la parenté ou au travail, dans l'entreprise entre les supérieurs et les subordonnés, à l'école entre les élèves et les enseignants, à l'armée entre les supérieurs et les soldats, etc. ou dans la publicité, pour toutes sortes de produits. Mais cela ne s'arrête pas là, car des combats incessants ont également lieu entre les gouvernements et les citoyens, entre les moralistes, les tenants de la religion les sectaires et les croyants, de même qu'entre les médecins et les patients, les chefs et les salariés, etc. Ces luttes ont lieu chaque jour, et ce sont des agressions qui agissent heure après heure sur l'homme, et qui se déchaînent comme de violents orages avec foudre et tonnerre. De fait, les hommes se battent chaque jour comme des fous, pour se défendre, pour revendiquer leurs droits, pour pouvoir être traités et vivre d'une manière plus ou moins humaine. On lutte pour l'argent, pour l'homme et la dignité, on lutte pour le pouvoir, pour l'amour, pour la fierté blessée, pour la réputation et pour beaucoup d'autres choses. C'est ainsi que les hommes luttent jour après jour - quel que soit l'objet de leurs luttes. Ils luttent et luttent, s'épuisent et dépensent leurs forces, leurs énergies, leurs capacités et possibilités, sans avoir, cependant, la moindre chance de pouvoir remporter une véritable victoire. Ils luttent pour des choses auxquelles ils attachent une grande importance, et dont ils pensent ne pas pouvoir se passer, pour vivre. Mais c'est ce qui les rend vulnérables, parce qu'il y aura toujours quelqu'un qui aura une autre opinion et qui devra être agressif pour rendre dociles les personnes attaquées, pour pouvoir les exploiter à des fins personnelles, que ce soit par une exploitation de travail, financière ou sexuelle, par le viol, le parjure ou tout autrement. Et ce qui est triste dans cette affaire, c'est que l'homme doit se soumettre à ces luttes incessantes, qu'il le veuille ou non.